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savoir qui avait commencé. On dit là-bas communément qu’on aimerait mieux tomber au milieu de cavaliers dissidents qu’au milieu d’un groupe d’alfatiers.

Quels sont ces aventuriers qui vont cueillir l’alfa dans ces tristes pays ? Quelle fut leur vie auparavant ; quels sont, comme on dit, leurs antécédents ?

J’en ai vu, de ces hommes ; eh bien ! franchement, je me croirais plus en sûreté dans une tribu arabe, même révoltée, que sous leur toit.



Comme j’étais sorti de Saïda par un après-midi de furieux soleil, je me dirigeai d’abord vers l’ancienne ville d’Abd-el-Kader. Sur un rocher escarpé, on distingue vaguement quelques murailles : c’est tout ce qui reste de la résidence chère au célèbre émir.

Mais, quand je fus là-haut, j’aperçus, par-derrière, une admirable chose. Un ravin profond sépare la vieille forteresse de la montagne. Elle est, cette montagne, toute rouge, d’un rouge doré, d’un rouge de feu, dentelée, escarpée, coupée par de minces échancrures où descendent, en hiver, les torrents.

Mais tout le fond du ravin n’est qu’un bois de lauriers-roses, un grand tapis de feuilles et de fleurs.

J’y descendis, non sans peine. Une mince rivière coulait sous les merveil-