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à faire tomber les murs, buvait du cidre et de l’eau-de-vie à pleins verres, et passait encore pour chaud, malgré son âge.

Il aimait à se promener dans les champs, les mains derrière le dos, enfonçant ses sabots de bois dans la terre grasse, considérant la levée du blé ou la floraison des colzas d’un œil d’amateur à son aise, qui aime ça, mais qui ne se la foule plus.

On disait de lui : « C’est un père Bontemps, qui n’est pas bien levé tous les jours. »

Il reçut les deux femmes, le ventre à table, achevant son café. Et, se renversant, il demanda :

— Qu’est-ce que vous désirez ?

La mère prit la parole :

— C’est no’t fille Adélaïde que j’viens vous proposer pour servante, vu c’qu’a dit çu matin monsieur le curé.

Maître Omont considéra la fille, puis, brusquement :

— Quel âge qu’elle a, c’te grande bique-là ?

— Vingt-un ans à la Saint-Michel, monsieur Omont.

— C’est bien ; all’aura quinze francs par mois et l’fricot. J’l’attends d’main, pour faire ma soupe du matin.

Et il congédia les deux femmes.

Adélaïde entra en fonctions le lendemain et se mit à travailler dur, sans dire un mot, comme elle faisait chez ses parents.

Vers neuf heures, comme elle nettoyait les carreaux de la cuisine, monsieur Omont la héla.

— Adélaïde !

Elle accourut.