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longtemps que leur fils était perdu ; personne ne savait rien ; lui-même avait sans doute oublié son nom maintenant et celui de son pays ; et ils pleuraient, n’espérant plus.

Bientôt ils n’eurent plus d’argent ; alors ils se louèrent à la journée dans les fermes et dans les hôtelleries, accomplissant les besognes les plus humbles, vivant des restes des autres, couchant à la dure et souffrant du froid. Mais comme ils devenaient très faibles à force de fatigues, on n’en voulut plus pour travailler, et ils furent obligés de mendier sur les routes. Ils accostaient les voyageurs avec des figures tristes et des voix suppliantes ; imploraient un morceau de pain des moissonneurs qui dînent autour d’un arbre, à midi, dans la plaine ; et ils mangeaient silencieusement, assis sur le bord des fossés.

Un hôtelier, auquel ils racontaient leur malheur, leur dit un jour :

— J’ai connu aussi quelqu’un qui avait perdu sa fille ; c’est à Paris qu’il l’a retrouvée.

Ils se mirent tout de suite en route pour Paris.

Lorsqu’ils entrèrent dans la grande ville, ils furent effrayés par son immensité et par les multitudes qui passaient.

Ils comprirent cependant qu’il devait être au milieu de tous ces hommes, mais ils ne savaient comment s’y prendre pour le chercher. Puis ils