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Voulant analyser une crapule, je l’ai développée dans un milieu digne d’elle, afin de donner plus de relief à ce personnage. J’avais ce droit absolu comme j’aurais eu celui de prendre le plus honorable des journaux pour y montrer la vie laborieuse et calme d’un brave homme.

Or, comment a-t-on pu supposer une seconde que j’aie eu la pensée de synthétiser tous les journaux de Paris en un seul ? Quel écrivain ayant des prétentions justes ou non, à l’observation, à la logique et à la bonne foi, qui croirait pouvoir créer un type rappelant en même temps la Gazette de France, le Gil-Blas, le Temps, le Figaro, les Débats, le Charivari, le Gaulois, la Vie Parisienne, l’Intransigeant, etc., etc. Et j’aurais imaginé la Vie française pour donner une idée de l’Union et des Débats, par exemple !… Cela est tellement ridicule que je ne comprends pas vraiment quelle mouche a piqué mes confrères ! Et je voudrais bien qu’on essayât d’inventer une feuille qui ressemblerait à l’Univers d’un côté et de l’autre aux papiers obscènes qu’on vend à la criée, le soir, sur les boulevards ! Or elles existent, ces feuilles obscènes, n’est-ce pas ? Il en existe aussi d’autres qui ne sont en vérité que des cavernes de maraudeurs financiers, des usines à chantage et à émissions de valeurs fictives.

C’est une de celles-là que j’ai choisie.

Ai-je révélé leur existence à quelqu’un ? Non. Le public les connaît ; et que de fois des journalistes de mes amis se sont indignés devant moi des agissements de ces usines de friponnerie !