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Dès qu’il l’eut vu, il ne conserva point de doute. Elle s’était enfuie.

Il tomba sur un fauteuil et posa sa lampe par terre devant lui.

Sa femme l’avait rejoint. Elle bégaya :

— Eh bien ?

Il n’avait plus la force de répondre ; il n’avait plus de colère, il gémit :

— C’est fait, il la tient. Nous sommes perdus.

Elle ne comprenait pas :

— Comment, perdus ?

— Eh ! oui, parbleu. Il faut bien qu’il l’épouse maintenant.

Elle poussa une sorte de cri de bête :

— Lui ! jamais ! Tu es donc fou ?

Il répondit tristement :

— Ça ne sert à rien de hurler. Il l’a enlevée, il l’a déshonorée. Le mieux est encore de la lui donner. En s’y prenant bien, personne ne saura cette aventure.

Elle répéta, secouée d’une émotion terrible :

— Jamais ! jamais il n’aura Suzanne ! Jamais je ne consentirai !

Walter murmura avec accablement :

— Mais il l’a. C’est fait. Et il la gardera et la cachera tant que nous n’aurons point cédé. Donc, pour éviter le scandale, il faut céder tout de suite.