Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/492

Cette page a été validée par deux contributeurs.

du comte de Vaudrec, et parlant aux domestiques ainsi qu’aurait fait un second maître.

Georges le tolérait en frémissant, comme un chien qui veut mordre, et n’ose pas. Mais il était souvent dur et brutal pour Madeleine, qui haussait les épaules et le traitait en enfant maladroit. Elle s’étonnait d’ailleurs de sa constante mauvaise humeur, et répétait :

— Je ne te comprends pas. Tu es toujours à te plaindre. Ta position est pourtant superbe.

Il tournait le dos et ne répondait rien.

Il avait déclaré d’abord qu’il n’irait point à la fête du patron, et qu’il ne voulait plus mettre les pieds chez ce sale juif.

Depuis deux mois, Mme Walter lui écrivait chaque jour pour le supplier de venir, de lui donner un rendez-vous où il lui plairait, afin qu’elle lui remît, disait-elle, les soixante-dix mille francs qu’elle avait gagnés pour lui.

Il ne répondait pas et jetait au feu ces lettres désespérées. Non point qu’il eût renoncé à recevoir sa part de leur bénéfice, mais il voulait l’affoler, la traiter par le mépris, la fouler aux pieds. Elle était trop riche ! Il voulait se montrer fier.

Le jour même de l’exposition du tableau, comme Madeleine lui représentait qu’il avait grand tort de n’y vouloir pas aller, il répondit :