Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/480

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je ne vois pas comment cela pourrait se faire, puisque le testament est formel.

Il répondit :

— Oh ! c’est bien simple. Tu pourrais me laisser la moitié de l’héritage par donation entre vifs. Nous n’avons pas d’enfants, c’est donc possible. De cette façon, on fermerait la bouche à la malignité publique.

Elle répliqua, un peu impatiente :

— Je ne vois pas non plus comment on fermerait la bouche à la malignité publique, puisque l’acte est là, signé par Vaudrec.

Il reprit avec colère :

— Avons-nous besoin de le montrer et de l’afficher sur les murs ? Tu es stupide, à la fin. Nous dirons que le comte de Vaudrec nous a laissé sa fortune par moitié… Voilà… Or tu ne peux accepter ce legs sans mon autorisation. Je te la donne, à la seule condition d’un partage qui m’empêchera de devenir la risée du monde.

Elle le regarda encore d’un regard perçant.

— Comme tu voudras. Je suis prête.

Alors il se leva et se remit à marcher. Il paraissait hésiter de nouveau et il évitait maintenant l’œil pénétrant de sa femme. Il disait :

— Non… décidément non… peut-être vaut-il mieux y renoncer tout à fait… c’est plus digne… plus correct… plus honorable…