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Elle haussa les épaules :

— Tu es stupide… Vaudrec avait beaucoup d’affection pour moi, beaucoup… mais rien de plus… jamais.

Il frappa du pied :

— Tu mens. Ce n’est pas possible.

Elle répondit tranquillement :

— C’est comme ça, pourtant.

Il se remit à marcher, puis, s’arrêtant encore :

— Explique-moi, alors, pourquoi il te laisse toute sa fortune, à toi…

Elle le fit avec un air nonchalant et désintéressé :

— C’est tout simple. Comme tu le disais tantôt, il n’avait que nous d’amis, ou plutôt que moi ; car il m’a connue enfant. Ma mère était dame de compagnie chez des parents à lui. Il venait sans cesse ici, et, comme il n’avait pas d’héritiers naturels, il a pensé à moi. Qu’il ait eu un peu d’amour pour moi, c’est possible. Mais quelle est la femme qui n’a jamais été aimée ainsi ? Que cette tendresse cachée, secrète, ait mis mon nom sous sa plume quand il a pensé à prendre des dispositions dernières, pourquoi pas ? Il m’apportait des fleurs, chaque lundi. Tu ne t’en étonnais nullement et il ne t’en donnait point, à toi, n’est-ce pas ? Aujourd’hui, il me donne