Page:Maupassant - Bel-Ami, OC, Conard, 1910.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette mélancolie du soir entrant par la portière ouverte, pénétrait les âmes, si gaies tout à l’heure, des deux époux devenus silencieux.

Ils s’étaient rapprochés l’un de l’autre pour regarder cette agonie du jour, de ce beau jour clair de mai.

À Mantes, on avait allumé le petit quinquet à l’huile qui répandait sur le drap gris des capitons sa clarté jaune et tremblotante.

Duroy enlaça la taille de sa femme et la serra contre lui. Son désir aigu de tout à l’heure devenait de la tendresse, une tendresse alanguie, une envie molle de menues caresses consolantes, de ces caresses dont on berce les enfants.

Il murmura, tout bas :

— Je t’aimerai bien, ma petite Made.

La douceur de cette voix émut la jeune femme, lui fit passer sur la chair un frémissement rapide, et elle offrit sa bouche, en se penchant sur lui, car il avait posé sa joue sur le tiède appui des seins.

Ce fut un très long baiser, muet et profond, puis un sursaut, une brusque et folle étreinte, une courte lutte essoufflée, un accouplement violent et maladroit. Puis ils restèrent aux bras l’un de l’autre, un peu déçus tous deux,