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maigres de sa bouche se plissaient comme ceux des petits enfants qui ont du chagrin.

Alors ses mains retombées sur le lit commencèrent un mouvement continu, lent et régulier, comme pour recueillir quelque chose sur les draps.

Sa femme qui se mettait à pleurer aussi balbutiait :

— Mais non, ce n’est rien. C’est une crise, demain tu iras mieux, tu t’es fatigué hier avec cette promenade.

L’haleine de Forestier était plus rapide que celle d’un chien qui vient de courir, si pressée qu’on ne la pouvait point compter, et si faible qu’on l’entendait à peine.

Il répétait toujours :

— Je ne veux pas mourir !… Oh ! mon Dieu… mon Dieu… mon Dieu… qu’est-ce qui va m’arriver ? Je ne verrai plus rien… plus rien… jamais… Oh ! mon Dieu !

Il regardait devant lui quelque chose d’invisible pour les autres et de hideux, dont ses yeux fixes reflétaient l’épouvante. Ses deux mains continuaient ensemble leur geste horrible et fatigant.

Soudain il tressaillit d’un frisson brusque qu’on vit courir d’un bout à l’autre de son corps et il balbutia :

— Le cimetière… moi… mon Dieu !…