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timbre et il vit « Cannes. » L’ayant ouverte, il lut :

« Cannes, villa Jolie.

« Cher monsieur et ami, vous m’avez dit, n’est-ce pas, que je pouvais compter sur vous en tout ? Eh bien, j’ai à vous demander un cruel service, c’est de venir m’assister, de ne pas me laisser seule aux derniers moments de Charles qui va mourir. Il ne passera peut-être pas la semaine, bien qu’il se lève encore, mais le médecin m’a prévenue.

« Je n’ai plus la force ni le courage de voir cette agonie jour et nuit. Et je songe avec terreur aux derniers moments qui approchent. Je ne puis demander une pareille chose qu’à vous, car mon mari n’a plus de famille. Vous étiez son camarade ; il vous a ouvert la porte du journal. Venez, je vous en supplie. Je n’ai personne à appeler. »

« Croyez-moi votre camarade toute dévouée.

« Madeleine Forestier

Un singulier sentiment entra comme un souffle d’air au cœur de Georges, un sentiment de délivrance, d’espace qui s’ouvrait devant lui, et il murmura : « Certes, j’irai. Ce pauvre Charles ! Ce que c’est que de nous, tout de même ! »

Le patron, à qui il communiqua la lettre