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nouveau service, et il remit cette restitution à des temps plus éloignés.

Pendant deux jours, il s’occupa de son installation, car il héritait d’une table particulière et de casiers à lettres, dans la vaste pièce commune à toute la rédaction. Il occupait un bout de cette pièce, tandis que Boisrenard, dont les cheveux d’un noir d’ébène, malgré son âge, étaient toujours penchés sur une feuille de papier, tenait l’autre bout.

La longue table du centre appartenait aux rédacteurs volants. Généralement elle servait de banc pour s’asseoir, soit les jambes pendantes le long des bords, soit à la turque sur le milieu. Ils étaient quelquefois cinq ou six accroupis sur cette table, et jouant au bilboquet avec persévérance, dans une pose de magots chinois.

Duroy avait fini par prendre goût à ce divertissement, et il commençait à devenir fort, sous la direction et grâce aux conseils de Saint-Potin.

Forestier, de plus en plus souffrant, lui avait confié son beau bilboquet en bois des Îles, le dernier acheté, qu’il trouvait un peu lourd, et Duroy manœuvrait d’un bras vigoureux la grosse boule noire au bout de sa corde, en comptant tout bas : « Un — deux — trois — quatre — cinq — six. »