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vants, plus que le souvenir, une sorte de sensation de la présence irréelle et persistante de cette femme. Il lui semblait avoir pris quelque chose d’elle, l’image de son corps restée dans ses yeux et la saveur de son être moral restée en son cœur. Il demeurait sous l’obsession de son image, comme il arrive quelquefois quand on a passé des heures charmantes auprès d’un être. On dirait qu’on subit une possession étrange, intime, confuse, troublante et exquise, parce qu’elle est mystérieuse.

Il fit une seconde visite au bout de quelques jours.

La bonne l’introduisit dans le salon, et Laurine parut aussitôt. Elle tendit, non plus sa main, mais son front, et dit :

— Maman m’a chargée de vous prier de l’attendre. Elle en a pour un quart d’heure, parce qu’elle n’est pas habillée. Je vous tiendrai compagnie.

Duroy, qu’amusaient les manières cérémonieuses de la fillette, répondit :

— Parfaitement, mademoiselle, je serai enchanté de passer un quart d’heure avec vous ; mais je vous préviens que je ne suis point sérieux du tout, moi, je joue toute la journée ; je vous propose donc de faire une partie de chat perché.