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rien, on n’aspire à rien. Ce paysage calme, ruisselant de lumière et désolé, suffit à l’oeil, suffit à la pensée, satisfait les sens et le rêve, parce qu’il est complet, absolu, et qu’on ne pourrait le concevoir autrement. La rare verdure même y choque comme une chose fausse, blessante et dure.

C’est tous les jours, aux mêmes heures, le même spectacle : le feu mangeant un monde ; et, sitôt que le soleil s’est couché, la lune, à son tour, se lève sur l’infinie solitude. Mais, chaque jour, peu à peu, le désert silencieux vous envahit, vous pénètre la pensée comme la dure lumière vous calcine la peau ; et l’on voudrait devenir nomade à la façon de ces hommes qui changent de pays sans jamais changer de patrie, au milieu de ces interminables espaces toujours à peu près semblables.

Chaque jour, l’officier en tournée envoie en avant un cavalier indigène pour prévenir le caïd chez qui il mangera et dormira le lendemain, afin que celui-ci puisse prélever dans sa tribu la nourriture des hommes et des bêtes. Cette coutume, qui équivaut aux billets de logement chez l’habitant des villes en France, devient fort onéreuse pour les tribus par la manière dont elle est pratiquée.