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facilité gracieuse, mû par un homme qui appuie doucement sur un frêle levier ; et il fait penser à ces animaux effroyables, domptés jadis par des enfants, à ce que disent les contes.

Et nous entrons dans la galerie des laminoirs. C'est un spectacle plus étrange encore. Des serpents rouges courent par terre, les uns minces comme des ficelles, les autres gros comme des câbles. On dirait ici des vers de terre démesurés, et là-bas des boas effroyables. Car ici on fait des fils de fer et là-bas les rails pour les trains.

Des hommes, les yeux couverts d'une toile métallique, les mains, les bras et les jambes enveloppés de cuir, jettent dans la bouche des machines l'éternel morceau de fer ardent. La machine le saisit, le tire, l'allonge, le tire encore, le rejette, le reprend, l'amincit toujours. Lui, le fer, il se tortille comme un reptile blessé, semble lutter, mais cède, s'allonge encore, s'allonge toujours, toujours repris et toujours rejeté par la mâchoire d'acier.

Voici les rails. Impuissante à résister, la masse rougie, opaque et carrée de Bessemer s'étend sous l'effort des mécaniques et, en quelques secondes, devient un rail. Une scie