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Soudain on domine un abîme effrayant dont les murs, noirs comme s'ils avaient été frottés d'encre, vous renvoient le bruit furieux du combat marin qui se livre sous vous, tout au fond de ce trou qu'on a nommé l'Enfer. Bien qu'à cent mètres au-dessus de la mer, je recevais des crachats d'écume, et, penché sur l'abîme, je contemplais cette fureur de l'eau qui semblait soulevée par une rage inconnue.

C'était bien un enfer qu'aucun poète n'avait décrit. Et une épouvante m'étreignait à la pensée d'hommes précipités là-dedans, roulés, tournés, plongeant dans cette tempête entre quatre murailles de pierres, jetés sur les parois de la montagne, repris par le flot, engloutis, reparaissant, bouillonnant pêle-mêle dans les vagues monstrueuses.

Et je me remis en route, hanté de ces images et battu par un grand vent qui fouettait le cap solitaire.

Au bout de vingt minutes, j'atteignis un petit village. Un vieux prêtre, qui lisait son bréviaire à l'abri d'un mur de pierres, me salua. Je lui demandai où je pourrais coucher ; il m'offrit l'hospitalité.