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à travers la lande piquée d'ajoncs. De temps en temps, trois ou quatre vaches paissent le long du chemin, toujours accompagnées d'un mouton. Pendant plusieurs jours, on se demande pourquoi on ne voit jamais de vaches sans un mouton. Cette question vous tracasse, vous harcèle, devient une obsession. On cherche alors un homme près de qui s'informer. On le trouve non sans peine, car souvent pendant une semaine entière, en rôdant par les villages, on ne rencontre personne qui sache un mot de français. Enfin quelque curé, qui lit son bréviaire en marchant à pas mesurés, vous apprend avec politesse que ce mouton constitue la part du loup.

Un mouton vaut moins qu'une vache, et, comme sa prise n'offre aucun danger, le loup toujours le préfère. Mais il arrive souvent que les vaillantes petites vaches forment un bataillon carré pour défendre leur innocent camarade, et reçoivent au bout de leurs cornes affiIées la bête hurlante en quête de chair vive.

Le loup ! Là aussi on le retrouve ce loup légendaire qui terrifia notre enfance, le loup blanc, le grand loup blanc que tous les chasseurs ont vu et que personne n'a jamais tué.