Page:Maupassant - Au soleil, OC, Conard, 1908.djvu/269

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout le monde a peur sans savoir de quoi. Voilà cinq ans que je fais des fouilles sous ces pierres ; elles ont presque toutes un secret, et je m'imagine parfois qu'elles ont une âme. Quand je remets les pieds au boulevard, je souris, là-bas, de ma bêtise ; mais quand je reviens à Carnac, je suis croyant, croyant inconscient ; sans religion précise, mais les ayant toutes.

Et, frappant du pied :

- Ceci est une terre de religion ; il ne faut jamais plaisanter avec les croyances éteintes ; car rien ne meurt. Nous sommes, monsieur, chez les druides, respectons leur foi !

Le soleil, disparu dans la mer, avait laissé le ciel tout rouge, et cette lueur saignait aussi sur les grandes pierres, nos voisines.

Le vieux sourit.

- Figurez-vous que ces terribles croyances ont en ce lieu tant de force, que j'ai eu, ici même, une vision ! Que dis-je ! une apparition véritable ! Là, sur ce dolmen, un soir, à cette heure, j'ai aperçu distinctement l'enchanteresse Koridwen, qui faisait bouillir l'eau miraculeuse.

Je l'arrêtai, ignorant quelle était l'enchanteresse Koridwen.