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Patissot, qu'un grand rire secouait, lâcha un : "Je le crois bien !" qui fit taire son voisin.

Mais, au bout d'une seconde, le bonhomme reprit :

- Je n'ai jamais revu mon oncle, qui m'a déshérité, persuadé que je profitais des absences de mon frère pour exécuter mes farces.

Je n'ai jamais revu Victorine. Toute ma famille m'a tourné le dos ; et mon frère lui-même, qui a profité de la situation, puisqu'il a touché cent mille francs à la mort de mon oncle, semble me considérer comme un vieux libertin. Et cependant, Monsieur, je vous jure que, depuis ce moment, et jamais... jamais... jamais !... Il y a, voyez-vous, des minutes qu'on n'oublie pas.

- Et qu'est-ce que vous faites ici ? demanda Patissot.

L'autre, d'un large coup d'oeil, parcourut l'horizon, comme s'il eût craint d'être entendu par quelque oreille inconnue ; puis il murmura, avec une terreur dans la voix :

- Je fuis les femmes, Monsieur !


VIII Essai d'amour

Beaucoup de poètes pensent que la nature n'est pas complète sans la femme, et de là viennent sans doute toutes les comparaisons fleuries qui, dans leurs chants, font tour à tour de notre compagne naturelle une rose, une violette, une tulipe, etc., etc. Le besoin d'attendrissement qui nous prend à l'heure du crépuscule, quand la brume des soirs commence à flotter sur les coteaux, et quand toutes les senteurs de la terre nous grisent, s'épanche imparfaitement en des invocations lyriques ; et M. Patissot, comme les autres,