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La fête approche et des frémissements courent déjà par les rues, ainsi qu'il en passe à la surface des flots lorsque se prépare une tempête. Les boutiques, pavoisées de drapeaux, mettent sur leurs portes une gaieté de teinturerie, et les merciers trompent sur les trois couleurs comme les épiciers sur la chandelle. Les cœurs peu à peu s'exaltent ; on en parle après dîner sur le trottoir ; on a des idées qu'on échange :

"Quelle fête ce sera, mes amis, quelle fête !"

- Vous ne savez pas ? tous les souverains viendront incognito, en bourgeois, pour voir ça.

- Il paraît que l'empereur de Russie est arrivé ; il compte se promener partout avec le prince de Galles.

- Oh ! pour une fête, ce sera une fête !

Ce sera une fête ; ce que M. Patissot, bourgeois de Paris, appelle une fête : une de ces innommables cohues qui, pendant quinze heures, roulent d'un bout à l'autre de la cité toutes les laideurs physiques chamarrées d'oripeaux, une houle de corps en transpiration où ballotteront, à côté de la lourde commère à rubans tricolores, engraissée derrière son comptoir et