Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

terrible, avec une voix retentissante, et d'abord peu engageant.

La porte s'ouvrit sur une pièce démesurément grande et haute qu'un vitrage, donnant sur la plaine, éclairait dans toute sa largeur. Des tapisseries anciennes couvraient les murs ; à gauche, une cheminée monumentale, flanquée de deux bonshommes de pierre, auraient pu brûler un chêne centenaire en un jour ; et une table immense, chargée de livres, de papiers et de journaux, occupait le milieu de cet appartement tellement vaste et grandiose qu'il accaparait l'oeil tout d'abord, et que l'attention ne se portait qu'ensuite vers l'homme, étendu, quand ils entrèrent, sur un divan oriental où vingt personnes auraient dormi.

Il fit quelques pas vers eux, salua, désigna de la main deux sièges et se remit sur son divan, une jambe repliée sous lui. Un livre à son côté gisait, et il maniait de la main droite un couteau à papier en ivoire dont il contemplait le bout de temps en temps, d'un seul oeil, en fermant l'autre avec une obstination de myope.

Pendant que le journaliste expliquait l'intention de sa visite, et que l'écrivain l'écoutait sans répondre encore, en le regardant fixement par moments, Patissot, de plus en plus gêné, considérait cette célébrité.

Agé de quarante ans à peine, il était de taille moyenne, assez gros et d'aspect bonhomme. Sa tête (très semblable à celles qu'on retrouve dans beaucoup de tableaux italiens du XVIe siècle), sans être belle au sens plastique du mot, présentait un grand caractère de puissance et d'intelligence. Les cheveux courts se redressaient sur le front très développé. Un nez droit s'arrêtait, coupé net, comme par un coup de ciseau,