Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée

étant un peu usée, afin de se présenter convenablement, et il avait une peur horrible de dire des bêtises, soit au peintre, soit à l'homme de lettres, comme tous les gens qui parlent des arts qu'ils n'ont jamais pratiqués.

Il communiqua ses craintes à son cousin, qui se mit à rire, en lui répondant : "Bah ! faites seulement des compliments, rien que des compliments, toujours des compliments ; ça fait passer les bêtises quand on en dit. Vous connaissez les tableaux de Meissonier ?

- Je crois bien.

- Vous avez lu les Rougon-Macquart ?

- D'un bout à l'autre.

- Ça suffit. Nommez un tableau de temps en temps, citez un roman par-ci, par-là, et ajoutez : Superbe ! ! ! Extraordinaire ! ! ! Délicieux d'exécution ! ! ! Étrangement puissant, etc. De cette façon on s'en tire toujours. Je sais bien que ces deux hommes-là sont rudement blasés sur tout ; mais, voyez-vous, les louanges, ça fait toujours plaisir à un artiste."

Le dimanche matin, ils partirent pour Poissy.

A quelques pas de la gare, au bout de la place de l'église, ils trouvèrent la propriété de Meissonier. Après avoir passé sous une porte basse peinte en rouge et que continue un magnifique berceau de vignes, le journaliste s'arrêta et, se tournant vers son compagnon :

- Comment vous figurez-vous Meissonier ?

Patissot hésitait. Enfin il se décida : "Un petit homme, très soigné, rasé, d'allure militaire." - L'autre sourit : "C'est bien. Venez." Un bâtiment en forme de chalet, fort bizarre, apparaissait