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Henriette un matin dans la rue. Elle vint à lui, toute rouge, émue d'audace et de timidité.

- Je vous aime, dit-elle. Si je vous ai trompé, c'est que je suis une fille. Vous le saviez bien, d'ailleurs. je veux dire par là que j'ai eu un entraînement. Qui n'en a pas? M'avez-vous été toujours fidèle, vous, pendant que j'étais votre maîtresse? N'avez-vous jamais revu, tendrement, une ancienne amie - dites? - non, ne dites rien. J'étais payée, ce n'est point la même chose.

L'explication dura deux heures, sur le trottoir, en allant et en revenant d'une rue à l'autre. Il se montra dur, emporté, véhément; elle fut humble, touchante, crispée. Elle pleura sans souci du public, sans s'essuyer les yeux, de vraies larmes, car elle l'aimait à sa façon, cette fille.

Il fut touché, la consola, vint la voir le lendemain, et la reprit. "Bah, se disait-il pour s'absoudre, ce n'est que ma maîtresse, après tout."

Il modifia cependant son existence, n'ouvrit plus guère aux amis, sauf quelques-uns dont était le comte de Lucette, la porte de sa maîtresse, et vécut avec elle d'une manière en même temps plus étroite et plus réservée.

Elle acheva de le conquérir par l'agrément de son intimité, par des attentions gentilles, par un certain esprit drôle, malicieux, qu'elle semblait garder pour lui, même par des lectures qu'elle lui faisait le soir, quand ils e étaient seuls. Il en vint à préférer le tête-à-tête avec elle a la plupart des distractions qui l'amusaient autrefois. Mais une lettre surprise un matin entre les mains de la femme de chambre lui révéla le nom d'un nouveau rival.

Il jugea qu'il serait naïf et ridicule de se battre une seconde fois pour cette rouée, et il la quitta simplement.