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MES VINGT-CINQ JOURS.

rive à un village assez joli, au bord d’une rivière, au milieu d’un admirable bois de noyers. Je n’avais pas encore vu en Auvergne un forêt de noyers aussi importante.

Elle constitue d’ailleurs toute la richesse du pays, car elle est plantée sur le communal. Ce communal, autrefois, n’était qu’une côte nue couverte de broussailles. Les autorités essayèrent en vain de le faire cultiver ; c’est à peine s’il servait à nourrir quelques moutons.

C’est aujourd’hui un superbe bois, grâce aux femmes, et il porte un nom bizarre : on le nomme « les péchés de M. le curé ».

Or il faut dire que les femmes de la montagne ont la réputation d’être légères, plus légères que dans la plaine. Un garçon qui les rencontre leur doit au moins un baiser ; et s’il ne prend pas plus, il n’est qu’un sot. À penser juste, cette manière de voir est la seule logique et raisonnable. Du moment que la femme, qu’elle soit de la ville ou des champs, a pour mission naturelle de plaire à l’homme, l’homme doit toujours lui prouver qu’elle lui plaît. S’il s’abstient de toute démonstration, cela signifie donc qu’il la trouve laide ; c’est presque injurieux pour elle. Si j’étais femme, je ne recevrais pas une seconde fois un homme qui ne m’aurait pas manqué de respect à notre première rencontre, car j’estimerais qu’il a manqué d’égards pour ma beauté, pour mon charme, et pour ma qualité de femme.

Donc les garçons du village X… prouvaient souvent aux femmes du pays qu’ils les trouvaient de leur goût, et le curé ne pouvant parvenir à empêcher ces démonstrations aussi galantes que naturelles, résolut de les utiliser au profit de la prospérité générale. Il imposa donc comme pénitence à toute femme qui