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12i REVUE d’histoire LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

lecture par Rousseau, du livre De F Esprit. Quand donc Rousseau essayait de persuader au pasteur de Motiers que le second but de VÉmile était « de s’élever, non pas précisément directement, mais pourtant assez clairement contre l’ouvrage infernal De V Esprit ’ », il ne faussait point sans doute la signification définitive de son œuvre,’ puisqu’on a vu combien étaient nombreuses les allusions aux théories d’Helvetius, mais il essayait, plus ou moins con- sciemment, de donner le change sur ses intentions premières. Ce n’est point pour réfuter Helvetius que Rousseau s’est mis à écrire la Profession du Vicaire. Les intentions de l’œuvre sont plus profondes, plus générales et moins conditionnées par l’actualité immédiate. Il faut les chercher ailleurs. C’est à cette conclusion que je bornerai ici — et provisoirement — les résultats de cet exposé.

Pierre-Maurice Masson.

1. Lettre de M. de Montmollin au pasteur Sarasin, du 25 septembre 1762, Recueil des pièces relatives à la persécution suscitée à Midier-Travers contre M. J. J. Rousseau, s. 1., 1765, in-8, p. 80. Montmollin, qui est l’auteur de cette publication, a souligné les mots ou phrases ajoutés par Rousseau au texte qu’il lui avait soumis. Ainsi, à la formule ridigée par Montmollin : « il a eu uniquement dans son plan ces trois objets principaux... secondement de s’élever, non pas précisément directement, mais pourtant assez clairement contre l’ouvrage infernal De VEsprit, qui, suivant le principe détestable de son auteur prétend que sentir et juger sont une seule et même chose », Rousseau ajoute : « ce qui est évidemment établir le matérialisme ». On retrouve l’écho de celte déclaration de Rousseau dans deux lettres de Voltaire à d’Alembert, du 2") Auguste 1765, et à Thiériot, du 30 Auguste 1760, Œuvres, édit. Moland, t. XLIV, p. 53 et 87.