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ils songèrent à traiter de paix, et députèrent quelques ambassadeurs au camp ennemi, avec de beaux présents de porcelaine, qui font en ce pays toutes les grandes affaires de la paix et de la guerre. Ceux-ci furent reçus des Iroquois avec de grands cris, soit de joie, soit de moquerie, mais qui donnèrent de la frayeur à nos sauvages, desquels une trentaine étant invités par leurs compatriotes hurons, qui demeuraient parmi les Iroquois, à se rendre avec assurance de la vie, sautèrent malgré tous les autres par-dessus la palissade, et laissèrent le Fort bien affaibli par une si insigne lâcheté, qui donna espérance aux Iroquois de se rendre maîtres des autres sans coup férir, ou par des menaces, ou par de belles paroles. Quelques députés s’approchèrent pour cela du Fort, avec les ambassadeurs qui en étaient sortis ; mais nos Français qui ne se fiaient point à tous ces pourparlers, firent sur eux une décharge inopinée, et jetèrent, les uns morts par terre, et mirent les autres en fuite. Cet affront aigrit tellement les Iroquois, qu’ils vinrent à corps perdu et la tête baissée, s’attacher à la palissade, et se mirent en devoir de la saper à coups de haches, avec un courage qui leur faisait fermer les yeux à tous les dangers et aux décharges continuelles qu’on faisait sur eux. Il est vrai que pour se garantir de la plus grande partie de cette grêle, ils firent des mantelets de trois bûches liées côte à côte, qui les couvraient depuis le haut de la tête jusqu’à la moitié des cuisses, et par ce moyen ils s’attachèrent au-dessous des canonniers des courtines, lesquelles n’étant pas flanquées, ils travaillaient à la sape avec assez d’assurance.

Nos Français employèrent tout leur courage et toute leur industrie en cette extrémité ; les grenades leur manquant, ils y suppléèrent par le moyen des canons d’une partie de leurs fusils qu’ils chargèrent à crever, et qu’ils jetèrent sur leurs ennemis ; ils s’avisèrent même de se servir d’un baril de poudre, qu’ils poussèrent par-dessus la palissade ; mais, par malheur, ayant rencontré une branche en l’air, il retomba dans le Fort, et y causa de grands désordres : la