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CONTEURS CANADIENS-ERANÇAIS

trine. Elle s’arrêta tout à coup, et fit signe à Rose qu’elle voulait lui parler.

— Écoute, ma fille, lui dit-elle ; c’est bien mal à toi d’abandonner le bon Gabriel, ton fiancé, pour ce monsieur. Il y a quelque chose qui ne va pas bien ; car chaque fois que je prononce les saints noms de Jésus et de Marie, il jette sur moi des regards de fureur. Vois comme il vient de nous regarder avec des yeux enflammés de colère.

— Allons, tantante, dit Rose, roulez votre chapelet, et laissez les gens du monde s’amuser.

— Que vous a dit cette vieille radoteuse ? dit l’étranger.

— Bah ! dit Rose, vous savez que les anciennes prêchent toujours les jeunes.

Minuit sonna et le maître du logis voulut alors faire cesser la danse, observant qu’il était peu convenable de danser sur le mercredi des Cendres.

— Encore une petite danse, dit l’étranger.

— Oh ! oui, mon cher père, dit Rose ; et la danse continua.

— Vous m’avez promis, belle Rose, dit l’inconnu, d’être à moi toute la veillée ; pourquoi ne seriez-vous pas à moi pour toujours ?

— Finissez donc, monsieur, ce n’est pas bien à vous de vous moquer d’une pauvre fille d’habitant comme moi, répliqua Rose.

— Je vous jure, dit l’étranger, que rien n’est plus sérieux que ce que je vous propose ; dites oui seulement, et rien ne pourra nous séparer à l’avenir.

— Mais, monsieur !… et elle jeta un coup d’œil sur le malheureux Lepard.

— J’entends, dit l’étranger d’un air hautain, vous aimez ce Gabriel ? ainsi n’en parlons plus.