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nir de ton Alice, tu resteras le citoyen viril et le chrétien dont j’étais si fière… Pardonne, Robert, ne vas pas souiller par la vengeance notre sacrifice qui, je le sens, agrée à Dieu… J’avais rêvé de reposer près de toi, dans le petit cimetière de Deerfield, mais qu’importe le corps pourvu que nos âmes…

Elle était épuisée, elle haletait, sa respiration déjà se saccadait en hoquets. Robert, lui, se désolait. Il avait abandonné toute contrainte, la tension de tout son être se relâchait, son énergie était à bout, son âme capitulait. Il était là, abîmé dans la douleur, tenant dans les siennes les mains amaigries, exsangues de sa fiancée, lesquelles il arrosait de larmes abondantes.

La jeune fille ne parlait plus maintenant que par mots entrecoupés. Bientôt, les paroles n’arrivèrent plus jusqu’à ses lèvres. Seules, ses mains crispaient celles de Robert comme si, malgré son sacrifice, l’instinct de la jeunesse cherchât à la retenir à la vie, à l’amour.

Enfin, paisiblement, sans secousse, elle entra en agonie : une respiration gênée, sifflante souleva sa poitrine, un souffle prolongé s’exhala de ses lèvres, l’étreinte de ses doigts se relâcha. Seuls, ses yeux paraissaient avoir conservé leur vision comme si une dernière étincelle de vie y eut lui pour l’être à qui allait sa suprême pensée ici-bas : Robert…


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