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l’îlot errant de waterloo
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pier à lettre, des pelotes de ficelle, des douilles pour emmancher des outils, un coupon de cariset ou de gros, des pipes, etc. Et notre homme, avec toute la rouerie du métier, savait mettre en valeur sa pacotille en dissimulant avec ostentation la verrotterie, les colifichets qui tiraient l’œil des femmes et des enfants.

Le colon ou sa « colone » faisaient leurs emplettes et le colporteur recevait en retour de la pelleterie ou bien une reconnaissance ou un « bon » griffonné sur un bout de papier que notre homme escomptait ensuite chez Ruiter, à la Baie, chez Paige, à West Alburgh, Vt ou encore chez Cushing, à Montréal.

Et le colporteur, reposé par ce relai, restauré souvent d’une écuelle de sagamité ou de quelques galettes de sarrasin, rechargeait son ballot sur son échine et se remettait en route, en vrai rejeton d’Isaac Laquedem, errant de par le monde, sans but, sans hâte d’arriver quelque part parce qu’il n’est chez soi nulle part.

Les colporteurs n’ont pas toujours eu bonne renommée dans les campagnes. La plupart étaient matois, retors, âpres au gain et il n’y a pas de doute qu’il n’y eût parmi eux des individus peu scrupuleux. Ne tenant ni feu ni lieu, apparaissant pour ne plus revenir, ils avaient peu d’intérêt à être honnêtes. Aussi, furent-ils facilement en butte aux préventions populaires et ne se fit-on pas faute de leur attribuer, à eux ainsi qu’aux bohémiens, les larcins et même les méfaits qui coïncidaient avec leur passage. C’étaient, avec les quêteux, les croquemitaines à la mode — si l’on peut dire — et l’on mettait à leur compte aussi bien des enlèvements imaginaires que les déprédations que Maître Renard en maraude opérait dans la basse-cour.

On doit toutefois leur rendre cette justice que les colporteurs n’étaient pas des parasites ni des fainéants. Ils furent, à leur façon, des colons, colons du commerce dans les endroits où le marchand sédentaire n’aurait pu se maintenir, la clientèle étant alors trop disséminée sur un parcours étendu et peu praticable. Ces pauvres trinqueballes furent d’utiles auxiliaires aux colons