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massé… doine

gri à l’écorce tailladée, hachée d’initiales d’amoureux ! Ce fut toujours pour moi un lieu de pèlerinage jusqu’à ce que les feux de forêts d’il y a cinq ans l’aient fait disparaître. Mais passons, je sens une larme mouiller ma paupière. À mon âge, on ne parle pas impunément de ces souvenirs.

Non, elle n’a pas toujours été gaie, la vie. Je crois même que, à tout prendre, elle ne vaut pas d’être vécue. Si la balle de quelque chasseur m’eut atteinte alors, elle m’eut épargné beaucoup de peines sans me priver de bien grandes joies.

On dit cela, on le croit et on a sans doute raison. Pourtant, l’espérance est là, au fond de nous, qui nous leurre toujours d’un nouveau mirage. La curiosité, voilà le mobile de la vie ! Demain est la grande panacée qui guérit d’hier ! Demain, c’est l’antidote d’aujourd’hui ! Demain c’est l’Éphpheta qui ouvre à l’imagination inassouvie des horizons merveilleux !! Demain, c’est l’expectative qui miroite et éblouit, similor du bonheur !!!

Mais si j’ai résolu, pour égayer l’ennui du vieil âge, d’écrire mes mémoires, je devrai y aller en douceur, ne pas faire, comme on dit, de chichi à propos de bottes et surtout avoir soin de bien coordonner les événements.

Les origines de ma famille se perdent dans la nuit des temps, car vous pensez bien que les miens ne se sont pas toujours appelés Écureuils. Ce que je sais pertinemment, c’est que nous descendons des latins. Nos ancêtres, en effet, avaient nom Sciuri ; ils étaient apparentés, à ce que j’ai appris, à la famille grecque Skionoi. Je n’ai jamais eu le loisir de descendre plus bas dans l’arbre généalogique.

Je compte plusieurs ancêtres parmi la noblesse de robe et le mot « curule » n’est que la corruption de notre nom. Au surplus, je n’entends nullement tirer vanité de l’origine de notre famille, car je sais que les préjugés de castes ne sont point d’aloi dans notre démocratie animale. Dieu merci, le culte de l’honneur, plutôt que des honneurs, fut toujours très vivace chez