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massé… doine
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d’un bout à l’autre du système, le sang paresseux qu’endort la prosaïque cadence du train-train routinier ! Il m’est resté de ces courses sans but, par monts et par vaux, de ces tête-à-tête avec Flore Sylvestre (je parle mythologie) une allure peut-être vagabonde et sauvage, mais aussi un grand amour de la nature, source pure et limpide, fontaine de Jouvence qui garde l’âme éternellement jeune et où il fait bon s’abreuver aux heures de défaillance et d’écœurement.

Les bois sont des cloîtres où l’âme s’esseule de la cohue profane et entre en retraite fermée pour se roborer ou se retremper. Là, l’homme laissé à lui-même, quitte les oripeaux dont notre civilisation l’a attifé ; sa vanité disparaît, son masque d’hypocrisie tombe. Il n’est plus en scène et dépouille tout maquillage, toute contrainte. Il ne pose plus, ne plastronne plus ; il comprend comme il est petit et combien insignifiant le rôle qu’il joue — bien qu’il réussisse assez les faquins — dans le grand spectacle qu’est la création. Ah ! certes oui, la solitude des bois est beaucoup moins pénible, notre isolement moins intense que cette impression d’inanité que nous ressentons au sein même de nos villes les plus tapageuses et les plus pétulantes, dans la société la plus fashionable où le snobisme s’applique à faire le vide dans les intelligences et dans les cœurs avec la précision inconsciente d’un mécanisme pneumatique.

Mais voilà que je m’emballe !… Somme toute, j’avoue avec d’autant plus de bonne grâce mon manque du stoïcisme et de l’équanimité de l’homme des bois que cette constatation vient justement appuyer mon dire. Au reste, à l’époque dont je parle, j’avais à peine dix ans. C’est dire que mon âme ne sentait pas toute la poésie de la nature et que j’étais préoccupé à toute autre chose qu’à méditer sur la magnificence de la création, à philosopher doctement et à chercher noise à ceux qui ne partagent pas ma passion pour la pêche à la ligne !

Un bois était tout bonnement un bois, c’est-à-dire une im-