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après le rêve, le réveil
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rivières, etc. avaient déserté le théâtre des troubles et on les soupçonnait, à Montréal, de vouloir mettre la frontière entre eux et l’autorité constituée.

Ce soir-là, ce n’était plus l’anxiété ou l’attente qui se lisait sur les fronts. L’exultation éclairait ces physionomies. La joie brillait dans les yeux. Les voix éclataient avec un fracas claironnant et se croisaient avec un cliquetis de baïonnettes. Les gestes sabraient sans merci. Les coups de poing assénés avec conviction sur le comptoir tonnaient presque aussi fort que les canons en bois d’érable cerclé de fer qui avaient tiré à Saint-Charles des cailloux mal arrondis.

On était encore sous le coup de l’émotion qui avait accueilli la nouvelle de la grande victoire remportée, le mercredi précédent, par les volontaires de Missisquoi et le haut fait d’armes du capitaine Kemp qui, à la tête de sa compagnie, avait victorieusement repoussé les mille rebelles (le compte-rendu officiel dit de deux à trois cents) de Julien Gagnon dit l’ « Habitant ».

Au milieu de cette effervescence, la porte de l’auberge s’ouvrit et un homme, interrompant les causeurs, demanda d’une voix haletante : « Le lieutenant Alonzo Wood est-il ici ? »

Cet homme, évidemment, venait d’une certaine distance. Son teint animé par le froid, le col de son habit relevé, la casquette rabattue sur les oreilles, tout disait qu’il avait dû parcourir plusieurs milles de chemin.

Son entrée soudaine et sa parole précipitée avait fait diversion. Tout dans son attitude dénotait quelque chose d’anormal, d’inusité, d’urgent et les figures s’étaient toutes tournées dans sa direction, bouches bées et yeux questionneurs moins pressés à répondre qu’à apprendre le pourquoi de la question : « Le lieutenant Alonzo Wood est-il ici ? »

Mais avant même qu’on lui répondît, l’homme, devinant sans doute l’anxiété de ces gens et hâté lui-même de dire ce qu’il savait, apprit à son auditoire, tout attention, qu’il avait vu de