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massé… doine
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Depuis huit jours qu’il n’a ouï que la voix traînante et nasillarde du domestique Parent ou les rauques gloussements du sourd-muet François, cette voix fraîche résonne à son oreille comme une musique. Son âme ulcérée en est comme rafraîchie ; il oublie le danger qu’il court et se laisse bercer, pour ainsi dire, au rythme malhabile qui part de la maison qu’il croyait inhabitée.

C’est l’épouse de Nicolas Guilmain en train d’endormir le petit dernier et qui lui chante un cantique de Noël. Car, éloignés de l’église, c’est la manière des colons de suivre la liturgie. La chapelle, c’est l’humble foyer de bois rond, ce foyer canadien ou se répète, bon an mal an, le mystère de la procréation. Le sacrifice de la messe se remplace par l’immolation quotidienne, noble dans son ignorance, de l’égoïsme personnel, pour le bien-être de la famille et la grandeur de la patrie. La maîtrise, c’est la voix de Josephte, voix claire et ferme comme un défi à la forêt qui recule, voix douce et tenace qui, à travers les générations qui passent, chante dans nos cœurs et dans nos âmes l’harmonie des traditions ancestrales !

Dans la nuit calme, la voix inexperte a remué l’âme d’un malheureux qui sanglotte. La Noël approche et cette voix proclame la paix aux hommes bienveillants : Gloria, gloria in excelsis Deo.

Est-ce de la dérision ? songe amèrement Roberts, est-ce un présage ? Il a aimé son pays, il lui a sacrifié sa fortune et le voici maintenant traqué comme une bête fauve, contraint de se cacher comme un criminel. Pourtant, il se rend, lui aussi, ce témoignage : « J’ai aimé la justice, j’ai haï l’iniquité ; et voici que je vais en exil ! »

Soudain, Craig s’est dressé sur ses pattes en grognant. « Paix ! Craig, paix ! » répète Roberts d’une voix qui supplie plutôt qu’elle commande. Mais le chien aboie furieusement en trépignant ; ses deux yeux flamboient dans les ténèbres et il reste