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après le rêve, le réveil

répond au nom de François. Quand nous disons qu’il répond, c’est par façon de parler, car François ne répond nullement, étant sourd-muet de naissance. Et c’est très heureux en l’occurrence car vous avez peut-être remarqué que les sourds-muets sont souvent gens fort discrets.

À Saint-Césaire, on se rendit tout droit chez J.-Bte Bousquet, qui cumulait les fonctions assez peu compatibles de lieutenant de milice et chef patriote.

Bien qu’on fut en pays ami, on évitait d’attirer l’attention. Au surplus, il y avait du mécontentement chez nos gens. On murmurait contre les chefs qui, après avoir ameuté le peuple, l’abandonnaient maintenant à la merci de la vengeance et du ressentiment des bureaucrates. On devenait méfiant ; les délateurs et les espions levaient le masque. Les perquisitions domiciliaires, les persécutions, les insolences se donnaient libre cours. Aussi, la rage grondait dans les cœurs et beaucoup ajoutaient foi aux accusations que faisaient circuler les bureaucrates que les chefs patriotes étaient des lâcheurs qui s’enfuyaient aux États-Unis avec les fonds.

On décida de tenir conseil à la hâte chez Bousquet qui, connaissant bien les alentours, était à même de soustraire les conjurés aux recherches dont ils allaient être l’objet.

Bousquet leur conseilla de passer aux États-Unis, car bien qu’il fallût traverser un territoire inconnu et que les principales issues à la frontière fussent gardées, mieux valait, disait-il, prendre ce moyen que se cacher dans les seigneuries où ils étaient encore moins en sûreté, et où ils compromettraient ceux qui leur donneraient asile. Ce fut, du reste, le sentiment des intéressés eux-mêmes.

Toutefois, il serait sage de prendre un itinéraire détourné afin d’éviter les chemins les plus fréquentés, les centres tories et de dérouter les recherches, dût-on négliger la voie directe pour un trajet plus long, plus pénible, sans doute, mais plus sûr.