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à vau-le-nordet
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D’autre part, il paraît que la lune est à l’abri des loups. Dès lors, quel mal y a-t-il à les laisser hurler ? Comme gargarisme, c’est salutaire. Au reste, ne faut-il pas, quand on a quelque souci de la vérité, se prémunir contre les proportions hyperboliques que prennent les hommes et les événements à mesure qu’ils s’éloignent dans le passé ? C’est là, je crois, la genèse de la légende : les hommes ne sont grands que si on les regarde à distance.

Si on apporte à l’étude de l’histoire l’esprit critique qu’il convient, en élaguant des faits et événements d’archives que rapporte l’historien l’empreinte qu’y a appliquée l’imagination ou la mentalité de celui-ci, on ne peut se défendre de l’impression que ce « noble geste » de nos découvreurs plantant la croix était du camouflage pour ne pas dire de l’hypocrisie. Car ce travers sévissait même avant Tartufe. Pourquoi se payer de mots à notre âge, quand nous savons parfaitement que les monarques européens, qui ne furent pas tous du bois de calvaire, se préoccupaient bien plus d’agrandir leurs domaines que d’évangéliser les peuplades sauvages.

Cartier, pour n’en pas nommer d’autres, plante des croix à tout bout de champ, à Gaspé, à Stadacona, à Métabéroutin (Trois-Rivières), à Hochelaga, mais, n’ayez crainte, il n’oublie pas d’y arborer l’inscription : « Franciscus Primus, Dei gratia Francorum Rex, regnat ».