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substituer des opinions justes aux sentimens romanesques.

Il est un point cependant où la majorité des deux sexes s’accorde et montre le même défaut de goût et de modestie. Des Femmes ignorantes, forcées d’être chastes pour conserver leur réputation, laissent leur imagination s’égarer sur les scènes peu naturelles et voluptueuses, tracées par les romanciers du jour, rejettant comme insipides la dignité mâle et les grâces pudiques de l’histoire, pendant que les hommes portent le même goût vicieux dans la vie, et fuyent les charmes purs de la vertu et la gravité respectable du bon sens, pour chercher de vains amusemens dans les caprices d’une imagination déréglée.

D’ailleurs, la lecture des romans fait contracter aux Femmes, et surtout aux Femmes du grand monde, l’habitude de se servir d’expressions fortes et de superlatifs dans la conversation ; et, quoique la vie dissipée et artificielle qu’elles mènent les empêchent de nourrir aucune passion profonde et légitime, le langage de la passion s’échappe en tons affectés de leurs langues légères, et chaque bagatelle produit ces