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ment, fondement de toute espèce de goût ; car l’intelligence, en dépit des froides plaisanteries des libertins, se réserve le privilège de porter au cœur une joie pure et véritable.

Combien de fois j’ai vu jeter de côté, avec le bâillement de la langueur, un poëme admirable, auquel un homme de goût revient à plusieurs reprises, et toujours avec ravissement, et, pendant que la mélodie suspendoit presque la respiration, une Femme me demander où j’avois acheté ma robe. J’ai vu des yeux qui parcouroient froidement un tableau d’un grand maître, étinceler de plaisir, en s’arrêtant sur une caricature grossièrement ébauchée, et, pendant que quelques traits de la majesté terrible de la nature répandoient dans mon cœur un calme sublime, on me faisoit observer les jeux d’un petit chien avec lequel mon mauvais destin me forçoit de voyager. Est-il surprenant qu’un être aussi dépourvu de goût, aimât mieux caresser ce chien que ses enfans ? ou qu’il préférât les éxagérations de la flatterie, aux simples accens de la sincérité ?

Pour fortifier cette observation, qu’il