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tandis que le mérite modeste des hommes raisonnables peut avoir moins d’effet sur leur sensibilité : ils ne peuvent gagner le cœur par le moyen de l’entendement, parce qu’ils ont peu de sentimens qui leur soient conmmuns.

Il semble un peu absurde de vouloir que les Femmes soient plus raisonnables que les hommes dans leurs goûts, et de leur refuser en même tems le plein exercice de la raison. Les hommes sont-ils bien raisonnables, quand ils sont amoureux ? Avec toute leur supériorité d’avantages et de prérogatives, s’attachent-ils à l’esprit plutôt qu’à la personne ? Comment peuvent-ils donc espérer que les Femmes, auxquelles on n’apprend qu’à s’observer dans leur conduite, à acquérir des manières plutôt que des principes de moralité ; comment peut-on espérer, dis-je, qu’elles mépriseront ce qu’elles ont travaillé toute leur vie à acquérir ? Où trouveront-elles tout-à-coup assez de jugement pour apprécier un homme vertueux et gauche, quand ses manières, dont on les a établies censeurs, seront repoussantes et sa conversation froide et lente, parce qu’elle