Page:Mary Wollstonecraft - Défense des droits des femmes (1792).djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(269)

le monde, précisément tel qu’il est, avant qu’ils soient devenus indulgens par l’expérience acquise du monde et de leurs propres cœurs ? Leurs semblables ne leur paroîtront pont des créatures fragiles, condamnées comme eux à lutter contre les infirmités humaines, montrant quelquefois le côté brillant, et d’autres fois le côté sombre de leur caractère, excitant tour-à-tour des sentimens d’amour et d’aversion ; non, ils les regarderont comme des bêtes féroces, jusqu’à ce que l’humanité, la sociabilité soient entièrement déracinées de leurs cœurs.

Dans l’usage de la vie, au contraire, comme nous découvrons graduellement les imperfections de notre nature, nous découvrons aussi des vertus, et différentes circonstances nous attachent à nos semblables, lorsque, mêlés avec eux, nous voyons ensemble des objets que la connoissance précoce et non-naturelle du monde ne nous auroit jamais montrés. Nous voyons la folie devenir vice, par des gradations presque insensibles, et la pitié se mèle au blame ; mais si le monstre hideux se présente tout-à-coup à nos