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serve, il débaucha son imagination ; et, appuyant ensuite par la réflexion, sur des mouvemens auxquels ses rêveries donnoient plus de force, il les peignit avec les couleurs les plus vives, et s’en fit une image ineffaçable.

Alors il chercha la solitude, non pour y dormir du sommeil de l’homme de la nature, ou pour scruter en paix les causes des choses, sous ces ombrages silencieux où l’immortel Newton méditoit le systême de l’univers, mais uniquement pour s’abandonner à ses sensations ; et il a si fortement tracé ce qu’il sentoit fortement, qu’intéressant le cœur, et enflammant l’imagination de ses lecteurs, en proportion de ce que leur imagination est susceptible, ils croient leur esprit convaincu, tandis qu’il n’y a que leur ame qui sympathise avec l’écrivain poëtique, dont le talent peint, de main-de-maître, les objets des sens auxquels une ombre voluptueuse ou un voile jetté avec grâce, prètent encore plus de charmes ; c’est ainsi qu’en nous faisant sentir que nous raisonnons, tandis qu’en effet nous ne faisons que rêver, il nous force à tirer de fausses conséquences.