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qu’elle est fondée sur des principes et cimentée par le tems ; on peut dire tout le contraire de l’amour : ces deux passions ne peuvent guères subsister en même tems dans la même personne. Quand elles sont inspirées par des objets différens, elles s’affoiblissent et se détruisent mutuellement : lorsqu’un seul objet les inspire, on ne peut les éprouver que successivement ; jamais d’une manière simultanée ; car les vaines craintes, les jalousies qui, employées à propos, attisent l’amour, sont incompatibles avec la tendre confiance et l’estime sincère de l’amitié.

L’amour tel que nous l’a dépeint la plume brulante du génie, n’existe point sur la terre, ou réside seulement dans ces imaginations exaltées qui en ont esquissé le dangereux tableau ; dangereux, non seulement parce qu’il fournit une excuse plausible au voluptueux qui déguise sa sensualité sous le voile du sentiment ; mais parce qu’il répand l’exagération et se sépare de la dignité de la vertu ; la vertu dans sa vraie acception doit avoir une apparence, sinon austère, du moins sérieuse ; et tâche de se révêtir des atours du plaisir ;