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pour l’ordinaire, des plus exactes. « Ils ont amoncelé des matériaux merveilleusement propres à éclairer les ouvriers. » Le marxisme fait l’aveu de ce qu’il doit, dans sa partie critique, aux utopistes. Nous avons souvent relevé des traces de saint-simonisme dans sa façon d’envisager la lutte des classes, la genèse des classes dirigeantes, l’exploitation de l’homme par l’homme. Bazard est ici la source constante du Manifeste[1].

On ne peut pas nier que, à l’époque où le prolétariat dispersé n’a de lui-même qu’une conscience diffuse, l’utopie ne soit une sorte de conscience que lui prête, malgré elle, la bourgeoisie. À ce qui devrait être l’œuvre collective de la conscience de classe, l’adaptation meilleure aux conditions sociales, la transformation de ces conditions par l’effort collectif de l’action de classe, les utopistes imaginent suppléer par la pensée solitaire et par l’action isolée, nécessairement pacifique. L’œuvre est deux fois vaine, puisqu’elle est prématurée et qu’elle ne dispose pas des ressources d’intelligence et d’action qu’il lui faudrait. La conscience de classe s’éveille par le développement même des conditions de la production ; et avec elle l’action de classe se révèle possible. Alors c’en est fait des utopistes.

La partie caduque de leur œuvre est donc avant tout le programme, pratique. La hiérarchie industrielle, savante et théocratique, l’État

  1. L’influence de Fourier nous semble éliminée du communisme marxiste avec le discrédit dont est frappé Weitling en 1846. Quant à Owen, Engels dit en toutes lettres que « ses principes théoriques ne le regardent pas ». (Lage der arbeitenden Klassen, p. 239.)