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Le qualificatif n’est pas inexact. C’est le reproche qui ne se conçoit pas. Les vieux babouvistes avaient déjà expliqué comment « la multitude, ruinée par la misère, par l’ignorance, par l’envie et par le désespoir, ne voit dans la société qu’un ennemi et perd jusqu’à la possibilité d’avoir une patrie[1] » ; et Weitling, reprenait : « Celui-là seul a une patrie qui a une propriété ou du moins qui a la liberté et le moyen de devenir propriétaire. Qui n’a point cela n’a pas de patrie… Nous n’avons pas de patrie quant à présent. Ce n’est pas une patrie qu’une maison de réclusion ; ce n’est pas un peuple que ces multitudes asservies et méprisées[2]. » Et les chartistes anglais, peu de semaines après le Congrès communiste, quand on craignit la guerre entre la France et l’Angleterre, ne prêchèrent-ils pas la désertion de la classe ouvrière anglaise[3] ?

Cette pensée internationaliste, Marx et Engels la recueillirent dans la Fédération des

  1. Buonarroti. Histoire de la Conspiration de l’Égalité, I, p. 84.
  2. Weitling. Garantieen der Harmonie, 1842, p. 74, 80.
  3. Voici ce que disait le Manifeste chartiste : « Ouvriers de la Grande-Bretagne et de l’Irlande ! Pourquoi vous armeriez-vous, pourquoi combattriez-vous pour le maintien d’institutions aux avantages desquelles vous ne participez pas ? pour le maintien de lois faites, non pour vous protéger, mais pour vous contraindre ? pour la protection des propriétés que vous ne pouvez regarder que comme les dépouilles des fruits de votre travail ?… Que les privilégiés et les propriétaires aillent eux-mêmes combattre pour les intérêts du privilège et de la propriété ! » (La Réforme du 10 janvier 1848.)