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historique qui les fait naître. M. Proudhon ayant pris ces rapports comme des principes, des catégories, des pensées abstraites, n’a qu’à mettre ordre dans ces pensées, qui se trouvent alphabétiquement rangées à la fin de tout traité d’économie politique. Les matériaux des économistes, c’est la vie active et agissante des hommes ; les matériaux de M. Proudhon, ce sont les dogmes des économistes. Mais du moment qu’on ne poursuit pas le mouvement historique des rapports de la production, dont les catégories ne sont que l’expression théorique, du moment que l’on ne veut plus voir dans ces catégories que des idées, des pensées spontanées, indépendantes des rapports réels, on est bien forcé d’assigner comme origine à ces pensées le mouvement de la raison pure. Comment la raison pure, éternelle, impersonnelle fait-elle naître ces pensées ? Comment procède-t-elle pour les produire ?

Si nous avions l’intrépidité de M. Proudhon en fait de hégélianisme, nous dirions : elle se distingue en elle-même d’elle-même. Qu’est-ce à dire ? La raison impersonnelle n’ayant en dehors d’elle ni terrain sur lequel elle puisse se poser, ni objet auquel elle puisse s’opposer, ni sujet avec lequel elle puisse composer, se voit forcée de faire la culbute en se posant, en s’opposant et en composant — position, opposition, composition. Pour parler grec, nous avons la thèse, l’antithèse et la synthèse. Quant à ceux qui ne connaissent