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la lutte des classes en france

ci, la réintégration de Lerminier, de ce professeur qui s’était déjà rendu impossible sous Guizot, la tolérance envers les fanfaronnades des légitimistes, tout cela constituait autant de provocations à l’émeute. Mais l’émeute ne voulait rien entendre ; elle attendait le signal de la Constituante et non du ministère.

Enfin vint le 29 janvier, le jour où il fallait se prononcer sur la proposition de Mathieu (de la Drôme), tendant au rejet sans condition de la proposition Rateau. Légitimistes, orléanistes, bonapartistes, gardes mobiles, montagne, clubs, tout le monde conspirait alors, autant contre l’ennemi prétendu que contre les soi-disant alliés. Bonaparte, du haut de son cheval, passait en revue une partie des troupes sur la place de la Concorde. Changarnier paradait sous prétexte de manœuvres stratégiques. La Constituante trouva la salle de ses séances occupée militairement. Elle, le centre où venaient se joindre toutes les espérances, les craintes, les appréhensions, les ferments, les attentes, les conspirations, cette Assemblée, ce lion n’hésita jamais autant que lorsqu’elle se rapprocha de l’esprit du siècle. Elle valait ce guerrier qui ne craignait pas seulement de se servir de ses propres armes, mais se croyait encore tenu de conserver intactes celles de son adversaire. Méprisant la mort, elle signa sa propre condamnation et repoussa l’ajournement indéterminé de la proposition Rateau. Elle même en état de siège, elle