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de février à juin 1848
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individus sans travail déterminé, rôdeurs, « gens sans feu et sans aveu[1] », variant avec le degré de développement de la nation à laquelle ils appartiennent et ne démentant jamais le caractère des lazzaroni. L’âge encore jeune auquel le gouvernement les recruta les destinait particulièrement ou bien aux héroïsmes les plus élevés et aux sacrifices les plus exaltés, ou bien au banditisme le plus vulgaire et à la corruption la plus honteuse. Le gouvernement provisoire leur allouait 1 fr. 50 par jour, c’est-à-dire les achetait à ce prix. Il leur donna un uniforme particulier, c’est-à-dire qui se distinguât extérieurement de la blouse. Leurs chefs se composaient pour une partie d’officiers de l’armée permanente, pour l’autre de fils de la bourgeoisie, élus par les gardes. Leurs rotomondades, l’amour de la patrie et le dévouement à la République avaient plu.

Ainsi, en face du prolétariat parisien se dressait une armée tirée de son propre milieu, forte de 24.000 hommes doués de la vigueur et de l’exaltation de la jeunesse. Le prolétariat salua de ses vivats la garde mobile au cours des marches qu’elle exécuta dans Paris. Il reconnaissait en elle son avant-garde, ceux qui combattraient devant lui sur les barricades. Il la regarda comme la garde prolétarienne en opposition avec la garde nationale bourgeoise. Son erreur était pardonnable.

  1. En français dans le texte.