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la lutte des classes en france

changèrent en autant d’entraves qu’il fallait briser. L’émancipation des travailleurs — même à l’état de simple mot — était un danger que la République ne pouvait supporter. Le crédit repose sur la reconnaissance certaine et nette des rapports économiques existant entre les classes. L’émancipation des travailleurs protestait en permanence contre cette restauration du crédit. Il fallait donc en finir avec les ouvriers.

La révolution de Février avait chassé l’armée de Paris. La garde nationale, c’est-à-dire la bourgeoisie à ses différents états, constituait la seule force. Mais elle se sentait inférieure au prolétariat. D’ailleurs, elle était obligée, malgré son extrême répugnance, malgré tous les obstacles qu’elle suscitait, d’ouvrir ses rangs peu à peu, et, partiellement, d’admettre dans son sein des prolétaires armés. Une seule issue restait ouverte : opposer une partie des prolétaires au reste du prolétariat.

Dans ce but, le gouvernement provisoire forma vingt-quatre bataillons de gardes mobiles, de mille hommes chacun et composés de jeunes gens de quinze à vingt ans. Ils appartenaient pour la plus grande partie à canaille[1] qui, dans toutes les grandes villes, constitue une masse nettement distincte du prolétariat industriel. C’est dans ses rangs que se recrutent les voleurs et les criminels de toute espèce, vivant des déchets de la société,

  1. Lumpenproletariat.