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le xviii brumaire de louis bonaparte
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sur les épaules de Bonaparte ; puis l’aurore venait apaiser le vacarme et Paris apprenait de la bouche de vestales peu renfermées et d’indiscrets paladins le danger auquel il venait d’échapper. Dans les mois de septembre et d’octobre les bruits de « coup d’État » se multipliaient. L’ombre prenait de la couleur comme dans un daguerréotype. Que l’on feuillette, dans les organes de la presse quotidienne de l’Europe, les numéros des mois de septembre et d’octobre et l’on trouvera en propres termes des indications comme les suivantes : « Des bruits de coup d’État remplissent Paris. Pendant la nuit, on remplirait la capitale de troupes et le matin nous apporterait des décrets dissolvant l’Assemblée nationale, mettant le département de la Seine en état de siège, rétablissant le suffrage universel et en appelant au peuple. Bonaparte chercherait des ministres pour exécuter ces décrets illégaux. » Les correspondances qui relatent ces nouvelles se terminent toujours fatalement par remis à une autre date. Le coup d’État avait toujours été l’idée fixe de Bonaparte. C’est hanté de cette idée fixe qu’il avait de nouveau foulé le sol français. Elle le possédait à un si haut degré qu’il la trahissait et la divulgait constamment. Il était si faible qu’il y renonçait tout aussi constamment. Le spectre du coup d’État était devenu un fantôme si familier aux Parisiens qu’ils ne voulaient plus y croire jusqu’au moment où ils le verraient apparaître en chair et en os. Ce ne fut