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le xviii brumaire de louis bonaparte
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ciants n’imposent pas eux-mêmes une limite à leur activité, une panique tous les trois ans peut seule nous remettre dans l’état normal. »

Représentons-nous maintenant le bourgeois français : au milieu de cette panique commerciale, combien sa cervelle, aussi malade que le commerce, ne devait-elle pas être tourmentée, abasourdie, stupéfiée par les bruits de coup d’État et de rétablissement du suffrage universel. Quel effet devaient produire sur lui la lutte entre le Parlement et le pouvoir exécutif, la Fronde des orléanistes et des légitimistes, les conspirations communistes du midi de la France, les espèces de jacqueries dans les départements de la Nièvre et du Cher, les réclames des différents candidats à la présidence, les recettes charlatanesques des journaux, les menaces des républicains de défendre la constitution et le suffrage universel les armes à la main, les évangiles des héros in partibus émigrés à l’étranger qui prophétisaient la fin du monde pour le 2 mai 1852. On comprend que, dans cette bruyante et incroyable confusion de fusion, revision, prorogation, constitution, conspiration, coalition, émigration, usurpation et révolution, le bourgeois affolé se soit mis de rage à crier à sa république parlementaire : Plutôt une fin effroyable qu’un effroi sans fin.

Bonaparte comprit ce cri, ses facultés de compréhension se trouvaient aiguisées par la violence croissante de ses créanciers. A chaque coucher de