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la lutte des classes en france

président était constamment accompagné par des affiliés de la société du 10 Décembre. Cette société date de 1849. Sous le prétexte de fonder une société de bienfaisance, on avait organisé la canaille[1] de Paris en sections secrètes ; chaque section était dirigée par des agents bonapartistes ; à la tête du tout était placé un général bonapartiste. A côté de « roués » ruinés, aux moyens de subsistance douteux et d’origine également douteuse, à côté des déchets de la bourgeoisie, d’aventuriers et de corrompus, on rencontrait des vagabonds, des soldats et des forçats libérés, galériens en rupture de ban, filous, charlatans, lazzaroni, voleurs à la tire, escamoteurs, joueurs, maquereaux, tenanciers de bordels, porte-faix, hommes de lettres, tourneurs d’orgues, chiffonniers, gagne-petit, rétameurs, mendiants, bref toute cette masse indéterminée, décomposée, flottante que les Français appellent « la Bohême ». Avec ces éléments ayant les mêmes affinités que lui, Bonaparte forma le fond de la société du 10 décembre. C’était une « société de bienfaisance » — en ce sens que tous ses membres, comme Bonaparte, sentaient le besoin de se donner de l’agrément aux dépens du peuple qui travaille. Ce Bonaparte qui s’institue le chef de la canaille[2], qui retrouve là seulement la masse des intérêts qu’il poursuit lui-même personnellement,

  1. Lumpenproletariat.
  2. Lumpenproletariat.